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Ciné Kritik

Ciné Kritik

"Le cinéma, c'est comme le sexe, quand c'est bien, c'est formidable, quand c'est pas bien, c'est pas mal quand même" George Cukor


La romance selon Quentin Tarantino - True Romance

Publié par David Blumenfeld sur 16 Septembre 2016, 21:34pm

La romance selon Quentin Tarantino - True Romance

Quentin Tarantino est un cinéaste cinéphile. A chaque nouveau film, il s’attelle à la déconstruction et à l'analyse d'un genre cinématographique. Ayant une connaissance encyclopédique du 7ème art, il détourne avec ses films les codes d'un genre, pour mieux les renouveler, les actualiser. C'était le cas avec Reservoir Dogs (1992), son premier film, où il donnait sa propre version des films de gangsters à huis-clos, puis avec Jackie Brown (1997) où il ressuscita les films de la blackploitation (production américaines exclusivement black ayant connu un âge d'or dans les années 1970). Il continua ensuite sa croisade cinématographique avec Kill Bill (2002), où il donnait un ton de western à son hommage aux films d'arts martiaux, puis avec son film de guerre Inglourious Basterds (2009) où il narrait l'histoire d’un commando juif scalpeurs de nazis. La liste est longue et son oeuvre comporte bien évidemment les célébrissimes Pulp Fiction (1994) et Django Unchained (2012), qui n'ont pas besoin d'être présentés.

 

Il est donc inutile de préciser à quel point Tarantino est un réalisateur décisif, capable créer l'évènement à la sortie de chacun de ses films. Cependant, en 1985, Tarantino n'est rien. Il habite dans son petit appartement à Los Angeles avec son coloc' scénariste Roger Avary (avec qui il co-écrira Pulp Fiction). Ce dernier lui présente une idée de film sur un couple de tueurs en série. Tarantino lui empruntera son idée pour écrire le scénario de True Romance, l'histoire de deux amoureux traqués par la mafia après avoir volé une valise contenant une "quantité industrielle" de cocaïne. Avec ce projet, il souhaitait évoquer le rapport entre l’amour et la violence sous forme d'un dyptique : True Romance, narrant la genèse d'une histoire d'amour et le lent déclin du couple vers la criminalité, et Tueurs nés (qui sera réalisé en 1994 par Oliver Stone), relatant les dérives de la violence gratuite dans la quête de reconnaissance publique (et médiatique) d'un couple que la vie "a délaissé".

 

Après avoir longuement peaufiné son script, Tarantino cherche un producteur voulant bien financer True Romance qui est supposé devenir sa première réalisation. Après avoir essuyé plusieurs refus, il finit par vendre son scénario pour 40 000 $, qu'il investira dans son vrai premier film Reservoir Dogs. Le réalisateur Tony Scott (Top Gun), séduit par le script, accepte de mettre en scène le film, avec Tarantino gardant un œil sur le bon déroulement du projet. Le film réunit dans les rôles principaux deux stars montantes des 90s : Christian Slater et Patricia Arquette, ainsi que pas mal de grands noms dans les rôles secondaires : Dennis Hopper, Christopher Walken, Gary Oldman, James Gandolfini, Brad Pitt pour ne citer qu’eux. Des choix de casting qui n’ont pas dû déplaire à Tarantino qui castera plus tard Walken (Pulp Fiction) et Pitt (Inglourious Basterds).

En 1993, le film sort en salle accompagné d’un accueil critique retentissant. Cependant, il fera un four au box-office avant de devenir rapidement culte, assez novateur et inhabituel pour son époque.

 

Tout d’abord, True Romance est à 100% un film de Tarantino. On reconnaît sa pâte dans ses dialogues cinglants, et ce dès la scène d’ouverture où Clarence (Slater) drague une fille dans un bar et lui propose d’aller voir un film de kung-fu de Sonny Chiba durant une « séance de minuit ». Cette première scène met en place un héros typiquement tarantinien : pas forcément beau, fort ni intelligent mais surtout cool avec une attitude, un style et des références qui "claquent". La scène suivante est celle de la rencontre entre Clarence et Alabama (Arquette) dans le cinéma où Clarence va finalement voir son film seul. Ils passent ensuite la nuit ensemble et Alabama annonce à Clarence qu’elle est une call-girl et qu’elle a été payée par le patron de Clarence pour passer la soirée avec lui. En pleurs, elle lui dit qu’elle aime et qu’elle veut changer. Clarence l’enlace et c’est le début de leur histoire d’amour.

Et c’est un moment essentiel pour l’histoire. On nous expose deux personnages marginaux, qui n’ont plus rien à perdre et dont la vie va prendre un tournant.

 

 

A première vue, cette histoire apparaît excessive, démesurée. Mais l’excès est le prisme qu’emploie Tarantino pour nous exposer sa vision de la romance, une « romance de cinéma ». Les péripéties qui suivent vont faire évoluer le couple en une sorte de « Bonnie et Clyde » des temps modernes, un duo à la fois sexy et dangereux, comme le vendait la promo du film. Clarence et Alabama sont deux individus assez différents, qui vont cependant vite fusionner en une entité incassable. Tony Scott met en scène leur complicité de façon assez originale (en montrant leurs échanges constants de lunettes de soleil). La force du travail d’écriture de Tarantino est de nous faire prendre d'affection deux personnages violents et souvent amoraux.

 

 

Finalement, ce qu’on peut reprocher au film est son traitement souvent partiel des personnages secondaires. Et vu le talent des acteurs,ce n'est que regrettable. Dennis Hopper (le père de Clarence), Saul Rubinek (le producteur de cinéma) et James Gandolfini (l’homme de main de la mafia) ont suffisamment de temps à l’écran pour exister dans l’histoire et montrer l’étendue de leur talent. En particulier Gandolfini qui a une scène réellement marquante : celle de son affrontement avec Alabama dans une chambre d'hôtel où il s’avère brillant en tant que tortionnaire psychopathe (scène non s’en le scène de torture de Michael Madsen dans Reservoir Dogs).

 

 

En ce qui concerne Brad Pitt (le drogué), Gary Oldman (le proxénète d’Alabama) et Christopher Walken (le patron de la mafia), leurs personnages sont très sous-exploités. Ils sont tous les trois excellents, ce qui renforce la frustration qu’on éprouve de ne pas les voir plus. Et c’est cette gestion du casting qu’on peut imputer à Scott. Le problème n’est pas d’avoir introduit trop de personnages mais d’avoir mal jaugé leur impact sur l’histoire. Une des références des films choraux est Pulp Fiction (de Tarantino encore !). La plupart des personnages n’ont pas plus d’une scène à l’écran mais chacun est marquant et indispensable au bon déroulement de la trame. Après son apparition, on peut considérer que chaque personnage a remplis sa tâche narrative, ce qui donne un certain équilibre au film.

Pour donner un exemple concret, prenons les personnages de Christopher Walken dans Pulp Fiction et dans True Romance. Dans chacun des films, leurs apparitions se limitent à chaque fois à une scène. Chaque apparition est mémorable et impeccable mais là ne se pose pas le problème. Dans Pulp Fiction, Walken s'adresse au personnage de Bruce Willis enfant, au cours d'un flash-back. Il lui parle de la guerre du Vietnâm durant laquelle il a combattu avec son père. Ce dernier lui a donné une mission avant de mourir : remettre à son fils son seul héritage  : une montre. Ainsi, Tarantino introduit un élément qui d’apparence n’a rien à voir avec l’histoire (la montre) mais qui s’avérera important dans la suite du film. En remettant la montre, Walken a  accompli sa tâche narrative et son personnage n'est plus utile pour l'histoire. Tandis que dans True Romance, Walken incarne le patron de la mafia qui torture le père de Clarence pour savoir où se cache ce dernier. La scène, en elle-même, est toute autant réussie mais le personnage de Walken reste en suspens, et n’obtient pas de réelle conclusion.

 

 

Une autre particularité du film est sa fin, très peu tarantinienne. En effet, le film se conclue sur un happy end : les deux amoureux échappent à la mafia et à la police et s’en vont au loin sous le soleil californien. A mon avis, ce final, pouvant paraitre cliché au premier abord, est peut être la plus belle réussite du film qui réussit une soudaine rupture de ton, renforçant fortement son propos. On pourrait s’attendre à un dur retour à la réalité pour ce couple de marginaux qui fantasme de devenir les « Bonnie et Clyde » des temps modernes. Et pourtant, il n’en est rien. Cette fin conclue parfaitement le message du film : l'amour de deux marginaux/outsiders est inébranlable.

True Romance (1993) : réalisé par Tony Scott, écrit par Quentin Tarantino, avec Christian Slater, Patricia Arquette, Dennis Hopper, Gary Oldman, James Gandolfini, Christopher Walken, Brad Pitt

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